Bienvenue dans le monde quantique


Edito

Ecrit par Pascal Béria

Il y a cent ans, quasi jour pour jour, le monde de la littérature s’apprêtait à sacrer un monument. À l’ombre des jeunes filles en fleurs, deuxième volet d’À la recherche du temps perdu recevait le prix Goncourt. La très select académie consacrait alors une œuvre impressionniste, où le contemplatif le disputait au descriptif dans un style littéraire inimitable. Une ode au temps long qui était, déjà, devenu un luxe. Proust fut un premier lanceur d’alerte en ce début de XXème siècle, dont les élans technicistes avaient commencé à faire du temps une variable d’ajustement à soumettre à tout prix.

A bien y réfléchir, le progrès a toujours cherché à annihiler la temporalité. Chaque avancée technique, au moins depuis l’invention de la roue, n’a eu pour finalité que d’améliorer les moyens d’aller plus vite, réduire les distances, perfectionner les méthodes. « Aller vite ? Mais où ? » s’insurgeait Georges Bernanos au lendemain de la guerre face à la vanité de la société industrielle. Le numérique n’a rien fait d’autre que perfectionner cette course à l’ubiquité en la transformant en mode de vie. « Any time, any place, any device » a longtemps été le motto d’une révolution digitale où l’immédiateté devenait accessible du bout des doigts.

Le progrès technique ne pouvait pas s’arrêter si près du but. Si la bataille de l’ubiquité se heurte encore, dans notre monde, aux lois de la relativité, les théories quantiques nous ouvrent désormais un champ des possibles vertigineux. Une de ses interprétations les plus jubilatoires réside dans l’existence révélée d’univers parallèles, créés à chaque interaction dans notre système traditionnel. Selon cette théorie, nous pourrions être, à la manière des particules élémentaires, ici et là-bas dans le même temps. Une ubiquité parfaite, en quelque sorte, qui défie notre sens commun mais a déjà des applications dans un monde scientifique, habitué à nous prendre de vitesse.

Il nous semble pourtant que, dans un monde où l’ubiquité est un prérequis, l’important est désormais de savoir s’inscrire dans une temporalité un peu paradoxale. A la manière des digressions d’un Marcel Proust. C’est ce que nous cherchons à faire aux Napoleons. Et parce que le paradoxe ne nous fait pas peur, c’est justement autour de ce thème de l’ubiquité que nous avons choisi de réunir à nouveau notre communauté. Ce sera notre 11ème Sommet et ce sera du 8 au 11 janvier prochain, à Val d’Isère. Vous en serez ?

D’ici là, nous vous souhaitons une bonne rentrée.

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