Edito

2020

2020 aura une conséquence majeure sur la société dont on a encore peu parlé : désormais, nous réfléchirons à deux fois avant de nous souhaiter bonne année.

Commencée sur les chapeaux de roues par des incendies décimeurs de Koalas, nous avons enchaîné sans transition sur le désastre sanitaire que l’on sait. On a connu mieux pour un premier semestre. S’il est difficile d’imaginer une quelconque corrélation entre ces deux événements majeurs, on ne peut que constater la rapidité avec laquelle nous sommes passés d’une crise à l’autre. Ce qui est remarquable, c’est le caractère résolument global avec lequel s’enchaînent désormais ces événements. Des vagues populistes au mouvement #Metoo en passant par les grèves pour le climat, les fake news et, bien entendu, le confinement généralisé provoqué par la pandémie de Covid-19, le délai pour que les symboles et les phénomènes locaux se propagent dans le monde entier est de plus en plus réduit. Quitte parfois à ce qu’un événement anéantisse l’autre dans l’actualité avec la même rapidité. Désormais, c’est un genou posé à terre à Minneapolis qui a réussi à enflammer les rues de Washington ou Paris et à déboulonner les statues à Bristol, Boston, Anvers ou Londres.

Cet « effet papillon » appliqué aux mouvements citoyens et, plus largement, aux sujets de société démontre la mécanique systémique dans laquelle sont empêtrées nos sociétés propulsées par un réseau mondial. On avait fait connaissance avec ce phénomène en 2008, alors que la crise des subprimes révélait à quel point les excès d’un bricolage financier opéré par une poignée d’initiés étaient mécaniquement parvenus à mettre à genou l’échafaudage bancaire mondial et, avec lui, tout le système de financement de l’économie. Une accélération qui avait contraint Alan Greenspan, chantre du Free Market et alors aux manettes en tant que directeur de la Fed, à reconnaitre son « grand désarroi » face à l’effondrement du dogme de l’autorégulation des marchés.

Ce qu’il faut retenir, c’est que quelle que soit l’action ou le sujet abordé quelque part sur la planète, il faut désormais s’attendre à ce qu’il y ait une répercussion incontrôlable ailleurs. C’est l’histoire d’un pangolin asiatique aujourd’hui. Ca peut être celle d’une Sarah Connor ou d’un microorganisme quelconque demain. Quoi qu’on en dise, les mécaniques prédictives sont incontrôlables.

Ces interdépendances, cette incapacité à anticiper et d’une manière générale cette faillibilité ne sont que la conséquence de l’incroyable complexité dans laquelle sont plongées nos sociétés. La complexité, « c’est l’incertitude au sein de systèmes richement organisés » nous dit Edgar Morin. Une déclaration qui résonne comme un oxymore puisque ce système organisé réfute justement toute forme de hasard et cherche aujourd’hui à l’annihiler à grand coup d’algorithmes et de deep learning. « La complexité ne comprend pas seulement des quantités d’unités et interactions qui défient nos possibilités de calcul ; elle comprend aussi des incertitudes, des indéterminations, des phénomènes aléatoires. » En d’autres termes, chercher à résoudre la complexité par les seuls modèles logiques, c’est oublier tous les aléas qui régissent la nature. Autant dire que, ces derniers temps, le message est bien passé.

Cette pluralité des causalités, cette interférence des solutions, cette mixité des disciplines à prendre en compte pour dessiner ce que sera demain ne facilite pas le travail de thématisation auquel nous sommes habitués aux Napoleons. Nous en avons rapidement pris conscience. Comment essayer de trouver un thème commun alors même qu’il est impossible de décorréler les relations ? Comment aborder ce qui nous arrive sans prendre le risque d’oublier un sujet clé ? Plus concrètement, il nous semble absurde d’opposer sciemment les enjeux sanitaires aux enjeux économiques forcément intimement liés. Tout est dans tout « et tout le reste est littérature » disait Verlaine. Posez la question de la démocratie, celle de la sécurité émerge forcément. Interrogez les nouveaux modes de collaboration, c’est le rapport au temps et à l’espace qui s’imposent. Parlez économie, ce sont les sujets de l’éducation, de la santé et du « care » qu’il faut traiter. Et si vous abordez le sujet de la résilience, c’est celui de la société dans son ensemble qui se pose.

Face à ce constat, et puisque la période que nous venons de traverser nous aura au moins permis de développer nos facultés d’adaptation, nous avons donc choisi d’aborder la pluralité de ces sujets sans pour autant s’essayer à l’exercice d’anticipation et de préscience trop souvent entendu pour le « monde de demain ». Cette session estivale se nommera sobrement 2020, car l’inscription dans le temps est à notre sens ce qui caractérise encore le mieux l’ensemble des phénomènes qui sont à l’œuvre.

L’heure est à l’humilité et à l’écoute face à l’énormité des enjeux et interactions sanitaires, économiques, sociales et écologiques auxquels nous allons devoir faire face. Nous pensons qu’il est aujourd’hui plus important de se poser les bonnes questions que d’y apporter des réponses préfabriquées. L’important est que vous puissiez avoir les éléments de connaissance les plus objectifs et les plus acérés pour vous permettre de comprendre et d’agir dès demain. Nous nous efforcerons de vous fournir ces outils avec un choix d’intervenants choisis pour cette session estivale que nous pensons exceptionnelle dans sa forme et dans son fond.

 

 

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