A la conquête de l’utopie


Edito

Ecrit par Pascal Béria

Début novembre a eu la lieu la célébration des 20 ans de Westarctica, une bande de terre parfaitement désertique coincée quelque part entre la Terre Adélie et la Péninsule Antarctique. Un événement qui, il faut le reconnaître, a eu un peu de mal à émerger entre un G7 italien et une COP26 écossaise qui ont occupé tout l’espace.

Westarctica fait partie du club très fermé des micronations, ces Etats qui n’existent que par la volonté de quelques individus qui ont décidé, pour rire ou provoquer, de faire sécession avec la marche conventionnelle du Monde. Déclaré Grand-Duché en 2001 par Travis McHenry, un américain alors engagé dans la marine des États-Unis, Westarctica couvre un territoire plus grand que la France, compte aujourd’hui plus de 2000 citoyens, frappe sa propre monnaie, possède son drapeau sans pour autant qu’aucun pays ne lui reconnaisse une quelconque souveraineté. Et sans que cela n’empêche McHenry de régner sur son bout d’Antarctique sans jamais y avoir mis les pieds.

Ces micronations empruntent pour beaucoup à l’utopie de Thomas More, qui rêvait de faire de son île imaginaire « la meilleure forme de communauté politique ». Il y en aurait aujourd’hui 400, assez également réparties autour du globe. Des territoires sans légitimité mais qui portent, pour beaucoup d’entre eux, des ambitions et des engagements plus sérieux que ce que leur folklore de république bananière veut bien laisser croire. Westarctica est aujourd’hui devenue une ONG active agissant contre le dérèglement climatique et militant pour la protection des pôles, si symboliques quand on parle d’environnement.

A l’heure où la COP26 se termine sur un consensus d’échec général, l’utopie qui anime ces micronations est à prendre au sérieux. Elle nous inspire en tous les cas dans la préparation du prochain sommet des Napoleons qui, si ça vous a échappé, aura pour thème « Gouverner ». L’époque est à la conquête de nouveaux territoires, en témoignent les velléités d’exploration extraterrestre et les promesses de colonisation des métavers. Une bonne illustration du sens premier de l’utopie, qui signifie littéralement « non endroit ». Mais dans les méthodes, le rêve universaliste de More est pour le moins mis à mal. Par les sujets qu’elle défend et sa localisation extrême, Westarctica a au moins l’honnêteté de nous ramener radicalement au réel. Et ça, on préfère…