A votre bon plaisir…


Edito

Ecrit par Pascal Béria

Peut-on imaginer question plus universelle et à la fois plus individuelle que celle du plaisir ? Il serait d’ailleurs plus précis de parler DES plaisirs, tant ils peuvent être variés à la fois dans leurs genèses et dans leurs expressions. C’est la raison pour laquelle nous avons décidé de parler de ce sujet au pluriel durant ce sommet d’Arles qui, nous l’espérons, sera celui d’un premier plaisir : celui de nous retrouver sans contrainte. Nous en avons tous besoin.

Le plaisir : un besoin avant tout

C’est d’ailleurs ce besoin physiologique que nous interrogerons en premier lieu, d’abord au travers d’une enquête exclusive menée pour les Napoleons par le cabinet Occurrence et que son fondateur Assaël Adary viendra nous présenter : après 15 mois de confinements/déconfinements et d’incertitudes, avons-nous changé notre rapport aux plaisirs ? Avons-nous de nouvelles aspirations ou sommes-nous revenus aux fondamentaux des petits plaisirs ? Ensuite avec les visions combinées de la neuropsychologue et chercheuse Sylvie Chokron et du philosophe Eric Fiat, qui nous permettront de mieux comprendre les mécanismes en jeu et en quoi le plaisir est en fait une question fondamentale dans l’équilibre psychologique et la construction de soi.

Une manière également de mieux comprendre pourquoi le plaisir est d’une telle nécessité vitale qu’on en vient non seulement à le rechercher, mais aussi à le reproduire en ayant parfois recours aux artifices. Nous en parlerons avec le médecin-psychiatre Laurent Karila, spécialisé dans l’addictologie et Bruno Laforestrie, auteur du livre « Hash, la honte de la République » pour éclairer un peu mieux jusqu’à quel point cette la recherche d’un plaisir artificiel peut avoir ses cotés obscurs pour l’individu comme pour la société.

Quelles limites aux plaisirs ?

Cette recherche du plaisir hédoniste, un peu coupable, est aussi une des grandes questions abordées. Pourquoi y a-t-il parfois du mal à se faire du bien aux yeux de la Société ? Et quelle morale conduit notre rapport au plaisir ? Nous essayerons d’en tracer les limites avec l’auteure et chroniqueuse Maïa Mazaurette et la réalisatrice Olympe de G qui militent pour un apprentissage éclairé du rapport au corps et à la sexualité libérée de tout tabou. Une question également portée par notre modératrice Maïtena Biraben, également productrice des « sexotutos », des formats courts à destination des enfants et décryptant le monde mystérieux de l’anatomie, des sentiments et de la sexualité.

Sujets également abordés sous un angle plus militant avec Fabrice Flageul, thérapeute en relation d’aide par le « toucher », qui apporte du plaisir aux personnes en situation de handicap et l’artiste Bebe Melkor Kadior, auteure de « Balance Ton Corps », manifeste pour le droit des femmes à disposer de leur corps et d’une sexualité choisie et libérée de tout joug patriarcal. Nous débattrons avec eux d’une question centrale : l’accès aux plaisirs sexuels est-il un droit fondamental pour l’individu ?

Comment sortir du plaisir individuel sans tout sacrifier ?

Autre sujet, autres plaisirs. Nous chercherons à savoir si cette recherche de plaisir, que l’on pense spontanée, ne serait finalement pas la conséquence d’une société des loisirs qui a érigé l’individualisme comme vertu cardinale. Notre plaisir avant tout. Le reste peut attendre. Une réflexion tout entière contenue dans la critique du modèle capitaliste postmoderne et souvent faite aux métiers du marketing et de la publicité, accusés de fabriquer du consentement. Après tout, le plaisir est aussi un argument de vente. Agathe Bousquet, Présidente du Groupe Publicis et Bertille Toledano, Présidente de BETC viendront nous expliquer que le plaisir dans la publicité, c’est quand même un peu plus compliqué que ça…

Dès lors, comment sortir de cette condition individuelle qui semble nous satisfaire mais exclut souvent l’intérêt collectif ? Comment faire de l’écologie et du bien commun des sujets qui ne soient plus synonyme de renoncement aux plaisirs, mais bien au contraire un moyen d’y accéder. L’alpiniste trois fois victorieuse ? de l’Everest Marion Chaygneaud-Dupuy, à l’origine des expéditions Clean Everest, viendra nous éclairer en nous parlant de son rapport intime à la montagne et à la nature. Claire Pétreault nous présentera les initiatives en faveur de la transition écologique qu’elle valorise au travers du collectif « les Pépites Vertes » qu’elle anime. Grégory Pouy, auteur du Podcast « Vlan » et du livre « Insoutenable Paradis » nous invitera quant à lui à réfléchir aux contradictions qui minent nos modèles de sociétés et les moyens d’en sortir sans avoir pour autant à tout sacrifier. Enfin, Elsa Grangier, Directrice Générale de l’ONG Ashoka France, viendra nous expliquer la genèse de l’aventure du « Lobby de Poissy », qui a conduit une classe de CM2 à devenir porte-voix européen en faveur de la défense de l’environnement. Tout un programme.

Le plaisir est-il un moyen comme un autre ?

Nous interrogerons également l’intention morale d’un plaisir exploité comme un moyen au service d’une finalité. Vertueux dans le cas d’un plaisir utilisé comme thérapie, thème du livre de Julie Mamou Mani aka Mamouz, consacrée star de l’humour sur Instagram en plein confinement. Une période qui restera peut-être décisive en matière de détournement humoristique et d’auto-dérision nécessaire. Indéniablement utile si on l’utilise à des fins d’apprentissage comme c’est le cas de PowerZ, entreprise fondée par Emmanuel Freund qui utilise de jeu vidéo comme levier éducatif. Des méthodes exploitant les sciences comportementales et demandent une nécessaire réflexion éthique dans sa mise en œuvre, dont viendra nous parler Eric Singler, Directeur Général de BVA. Car derrière cette notion de plaisir en tant que moyen se pose une question cruciale : peut-on faire du plaisir un levier de responsabilisation du citoyen se substituant à la contrainte sans nécessairement tomber dans les affres de la manipulation ? Une tension dont nous parleront Stéphanie Rismont, directrice de la communication et de la marque SNCF et Béatrice Mandine, Directrice Communication, Marque & Engagement d’Orange qui viendront justement nous parler des leviers d’engagement mis en place derrière leurs marques respectives.

Une considération du plaisir en tant que moyen tout aussi nécessaire dès lors que l’on cherche à s’inscrire dans une démarche d’adaptation aux usages. Peut-on seulement penser un outil, un service ou un ensemble complexe comme la ville sans y intégrer les notions de plaisir et d’ergonomie, gages fondamentaux d’adoption citoyenne ? Et peut-on parvenir à combiner le fonctionnel et l’esthétique sans avoir à sacrifier l’un des deux ? Des sujets que nous aborderons avec le designer Thierry Métroz et l’architecte Corinne Vezzoni mais aussi Emmanuelle Wargon, Ministre déléguée chargée du logement, avec qui nous chercherons à savoir comment imaginer aujourd’hui un habitat équitable pensé dans le cadre d’un urbanisme durable et apaisé.

Le plaisir comme finalité

Et puis il y a le plaisir comme finalité, qui est après tout celui après lequel nous courrons toutes et tous. Celui porté par une ligne éditoriale et les techniques narratives, d’abord, dont viendront nous parler Charlotte Vecchiet, scénariste et directrice d’écriture de Skam, la série qui retrace la vie des ados et qui en est à sa huitième saison et Christian Bombrun, Directeur d’Orange Content, qui pilote la stratégie de contenus de l’offre TV et VOD du Groupe ainsi que le studio de cinéma Orange Studio.

Nous aborderons ensuite le plaisir comme une récompense à l’effort et au dépassement de soi. Un plaisir transcendantal, un peu masochiste vu de l’extérieur, pour l’ultra-marathonien Malek Boukerchi, habitué à courir sur des distances et dans des conditions si extrêmes que le commun des mortels est amené à s’interroger : quel plaisir peut-il y avoir à se faire du mal ? Un plaisir d’avantage lié au processus de création et au résultat pour François Alu, Premier danseur de l’Opéra de Paris qui trouve dans le dépassement de soi une source de motivation nécessaire pour arriver à ses fins. Il propose une création visuelle tandis que Alex Jaffray et son oreille nous propose une création sonore.

Celui, enfin, que l’on peut avoir lorsqu’on est appelé à exercer le pouvoir au plus haut niveau des institutions. Un plaisir moteur, physique et moral, égoïste autant que tourné vers les autres mais qui porte aussi son lot de désillusions et d’angoisses. Une condition que l’ancien premier ministre Edouard Philippe et le député européen Gilles Boyer connaissent bien et qu’ils relatent dans leur ouvrage commun « Impression et lignes claires ». Ils nous feront le plaisir de venir le présenter et répondre à quelques-unes de nos questions sur le site des arènes d’Arles. 

Le plaisir des sens

Enfin, parce que le plaisir reste avant tout une histoire d’expérience, ce serait une erreur d’en parler sans chercher à en partager les délices. Ce sera l’occasion de vous faire participer à quelques surprises musicales et gustatives et d’accueillir des artistes comme la chanteuse Elodie Frégé, le chorégraphe Yoann Bourgeois, mais aussi l’univers du parfumeur Francis Kurkdjian ou de Cyril Bosviel, chef de l’institut Paul Bocuse et Nadia Sammut, premier chef étoilé sans gluten qui viendront chacun enchanter nos sens avec ce qu’ils savent faire le mieux.

Un programme chargé donc. Mais surtout chargé de petits plaisirs puisqu’on espère que vous prendrez autant de plaisir à écouter nos intervenants et à participer à nos ateliers que celui que nous avons eu à préparer cette nouvelle rencontre arlésienne.

Nous sommes persuadés, pour notre part, que les plaisirs sont les meilleurs moteurs pour construire un avenir collectif qui ne soit ni celui de la résignation, ni celui du pire que nous annoncent les cassandres. Après-tout, c’est une des raisons d’être des Napoleons. Avec tous ces plaisirs conjugués, nous espérons que le bonheur sera au bout de ces quelques jours passés ensemble. Et que nous continuerons à bâtir collectivement une société plus juste, plus égalitaire, plus curieuse et plus ouverte.

Au plaisir(s), donc, d’échanger bientôt avec vous.