Indignez-vous… toujours.


Edito

Ecrit par Pascal Béria

Il y a 10 ans, le 27 février 2013, disparaissait Stéphane Hessel. Des maquis de la résistance au militantisme pour les droits de l’Homme, tout dans la trajectoire de ce grand homme traduisait l’action et la détermination. À l’âge de 93 ans, il ne s’était toujours pas résigné et nous avait livré un ultime appel à l’insurrection sous la forme d’un petit livre resté célèbre : « Indignez-vous ! ».

Écrit par un auteur méconnu du grand public, publié chez un petit éditeur, cet opuscule d’une trentaine de pages aurait dû objectivement passer inaperçu. Avec quatre millions d’exemplaires vendus en quelques mois dans près de 100 pays, il allait pourtant devenir un de ces moments rares et magiques où un appel manifeste répond au malaise et la colère feutrée d’un public large. Son titre exclamatif et la concision de son propos allaient faire de ce texte un cri de ralliement repris dans les rues de Wall Streets, d’Athènes ou de Bruxelles, initier le mouvement des « indignados » espagnols et accompagner les Printemps arabes naissants. Il allait surtout initier un engagement citoyen affranchi du cadre traditionnel des partis politiques. Pour le meilleur et pour le pire.

Stéphane Hessel n’avait rien de la figure du héros vindicatif. Avec son verbe précis, il incarnait plutôt une insurrection pacifique et une indignation raisonnée à une époque où l’hystérie n’avait pas encore submergé les réseaux et les plateaux des talk-shows. Un homme du siècle dernier.

Dix ans après, nous sommes tous un peu les enfants de Hessel. Ce lanceur d’alerte savait que le monde qui allait lui succéder serait plus complexe que celui qu’il avait connu, que les combats à mener seraient plus hybrides, moins évidents que l’horreur absolue que constituait le nazisme. « Dans ce monde, il y a des choses insupportables. Pour le voir, il faut bien regarder, chercher. Je dis aux jeunes : cherchez un peu, vous allez trouver » confessait-il. On retrouve précisément dans les combats qui soulèvent la jeunesse cette volonté à refuser la fatalité. Et il n’est pas impossible que les Napoleons et leur volonté d’agir soient, eux aussi, les héritiers de cette indignation primale. Reste à canaliser cette énergie pour qu’elle nourrisse un projet de société. Et qu’elle n’aille pas se perdre quelque part sur les réseaux sociaux ou la violence inutile.