La politique du plaisir (2/3)


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Par Rebecca Amsellem

J’ai récemment appris à quoi ressemblait un clitoris (je rappelle ici que j’ai écrit ce texte en 2018). Oui, je savais que ça existait mais c’est tout. Je pensais que c’était un bouton et quand on le touchait de manière un peu aléatoire c’était sympa. 

Cela ne fait que quelques années qu’on sait à quoi ressemble un clitoris. Odile Fillod  est une gynécologue et obstétricienne a été la première à réaliser une échographie du clitoris durant le coït. Elle montre – grâce à une imprimante 3D – que le clitoris, loin d’être un “petit bouton” sur lequel il faut appuyer, est en fait un organe beaucoup plus large constitué d’une double-arche, et de corps caverneux mesurant 12 à 15 centimètres et qui entourent le vagin. 

Le plaisir féminin a l’air d’être un vaste champ brumeux dont on connait à peu près l’existence mais dont on est loin de comprendre ce qu’il implique. 

Pendant si longtemps, le plaisir des femmes était synonyme d’amour dans l’imaginaire occidental par exemple. Anais Nin elle-même – et dieu sait que je l’aime – a écrit : « Si la version non expurgée de mon Journal est finalement publiée un jour, ce point de vue féminin sera exprimée encore plus clairement. » Jusqu’ici tout va bien donc. « Cela montrera que les femmes ( et moi-même dans le Journal) n’ont jamais séparé l’acte sexuel du sentiment, et de l’amour de l’homme tout entier. ». Ce dogme était si répondu que longtemps on a confondu orgasme et sentiment amoureux.

Et c’est Susan Sontag qui le dit. Cette auteure et essayiste américaine est une référence qui a écrit sur les droits humains, le communisme… et les femmes. Dans un entretien au magazine Rolling Stone, en 1978 (et publié en 2003, un an avant sa mort), elle décrit précisément l’absence de lien entre l’amour et le sexe : « Nous exigeons tout de l’amour. Nous lui demandons d’être anarchique. Nous lui demandons d’être le ciment qui maintient une famille soudée et l’ordre dans une société, d’être ce qui permet à toutes sortes de processus matériels de se transmettre d’une génération à l’autre. Mais je pense que le lien entre l’amour et le sexe est très mystérieux. Une branche de l’idéologie moderne de l’amour suppose que l’amour et le sexe vont toujours ensemble. Ils peuvent, je suppose, mais je pense plutôt au détriment de l’un ou de l’autre. Et à mon avis, le plus grand problème pour les êtres humains, c’est que ce n’est pas le cas, l’amour et le sexe ne vont pas toujours ensemble ».

Rebecca Amsellem a fondé en 2015 la newsletter féministe Les Glorieuses. En juillet 2019, elle est intervenue aux Napoleons sur le thème de la Transmission. En amont de notre Sommet sur les Plaisirs, Rebecca nous a aimablement proposé ce texte en 3 parties sur le plaisir féminin. A suivre donc !

Pour relire la 1ère partie, c’est par ici

Crédit photo : Installation view of Άδάμας (Unconquerable), 2013, by Sophia Wallace ©Wikimedia