Le sourire de Greta


Edito

Ecrit par Pascal Béria

« I want you to panic ». “How dare you ». A défaut de résoudre directement les enjeux climatiques, les saillies lancées par la désormais iconique Greta Thunberg auront au moins eu le pouvoir de déclencher l’ire à son encontre. Gage d’une certaine efficacité dans l’exercice rhétorique de la jeune écologiste. Et d’une réaction finalement saine de la société. Lors de ses prises de parole, la militante suédoise a fait de l’austérité une marque de fabrique qu’on prête assez rarement à cette génération. A tel point qu’on a fini par lui reprocher son « visage de cyborg ». Reconnaissons que commenter les chiffres d’un rapport du GIEC ne prête pas plus à la franche rigolade que constater l’ampleur des violences faites aux femmes ou l’insupportable drame des migrants. A fortiori quand on a 16 ans.

Sur les sujets sérieux, le sérieux reste donc de mise. Pourtant, si l’austérité est une nécessité, elle montre sa limite quand il s’agit d’engager les publics. A force d’injonctions et de discours moralisateurs, nous finissons tous plus résignés que réellement engagés, et notre moral tend à fondre presque aussi rapidement que le niveau des glaces. On parle depuis peu d’angoisse climatique, d’éco-anxiété, de solastalgie. Des syndromes d’impuissance qui touchent autant les victimes de catastrophes climatiques que les scientifiques ou les citoyens de bonne volonté face à la tâche colossale à accomplir et notre incapacité individuelle à y répondre.

Aux Napoleons, nous pensons qu’aucune grande idée ne peut se développer par la résignation. « Une morale nue apporte de l’ennui » proverbait Jean de la Fontaine. Nul doute que l’humour, la gaieté et même la légèreté s’avèrent souvent plus féconds que la peur ou la colère pour alerter. C’est tout le débat qui anime depuis longtemps ceux qui cherchent à décréter les limites du rire. Débat auquel Desproges aura apporté une réponse devenue insurmontable : « on peut rire de tout, mais pas avec tout le monde. » Nous, aux Napoleons, on estime que le plaisir n’est en rien incompatible avec la responsabilité. Mieux, il la transmet avec bien plus d’efficacité que tous les rapports de fin du monde qui tendent à nous faire baisser les bras.


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