Zone d’inconfort


Edito

Ecrit par Pascal Béria

Où que l’on porte l’oreille en cette rentrée scolaire, on a le sentiment d’entendre le gong lancinant de Philippulus. Philippulus, c’est ce prophète exalté qui marque l’ouverture de l’Etoile Mystérieuse de Tintin par ses élucubrations et ses promesses de fin du Monde.
« Good news is no news » a-t-on l’habitude de lire. En cette rentrée, nous sommes pour le moins gâtés.

Le problème, avec les Philippulus, c’est le côté péremptoire de leurs divinations. Il n’y a souvent aucune alternative proposée à leur vision apocalyptique. Ce déterminisme a pour avantage de marquer les esprits, mais pour corollaire de nourrir les syndromes d’éco-anxiété et de fatigue qui finissent par alimenter une forme de découragement généralisé. Face à l’inéluctable, pourquoi agir ? Autant s’enfermer et attendre.

Nous avons tendance à prendre ces projections pour ce qu’elles ne sont pas : une science exacte. Les multiples bouleversements qui désolent la planète nous rappellent combien il peut être vaniteux de penser contrôler notre destin. Mais gardons à l’esprit que le pire n’est jamais certain. L’incertitude apparaît même comme la variable centrale de notre avenir commun. Le point ultime de transgression de notre zone de confort. Mais la vérité est que notre société n’est pas préparée à cet inconfort. Disons-le clairement : l’incertitude est pour nous un bug que nous cherchons à tout prix à éradiquer par la superstition, la religion, les algorithmes ou les sondages d’opinion. En vain.

N’en déplaise aux Philippulus, asséner des prophéties apocalyptiques avec une mine de dimanche de pluie ne sert donc ni la mission, ni l’action. Tout au plus nourrissent-elles la soumission. Cette ère de l’incertitude dans laquelle nous entrons peut aussi être une bonne nouvelle. Elle ouvre l’opportunité aux rencontres fortuites, à l’étonnement, à la surprise, à l’inventivité, à l’adaptabilité et tout simplement à l’espoir. Et parfois à la contrariété et aux désagréments. C’est la règle du jeu. C’est donc l’inverse d’un fatalisme soumis. C’est un réalisme agissant qui implique des décisions à prendre. Ensemble. La couleur est annoncée pour Val d’Isère 2023…